«Il aurait aussi fallu libéraliser les casinos en ligne»

«Il aurait aussi fallu libéraliser les casinos en ligne»

Par Alexandre TOMIC, Casino Lemonade, le 07/07/2010

Nous interviewons Alexandre Tomic, créateur de Casino-Lemonade, qui permet aux internautes de jouer gratuitement en ligne avec des versions démo de casinos virtuels. Il nous parle de l’évolution de son projet et de sa position quant à la loi régulant le marché français.

Kuzeo : « Bonjour. Pouvez-vous rappeler le principe de Casino Lemonade et son histoire ? »

Alexandre Tomic : Bonjour à tous. Casino Lemonade est né de notre passion pour les jeux de casino et de plusieurs constats. En effet, nous étions déçus des guides de casino envahis par la publicité où nous devions nous inscrire et laisser notre email pour pouvoir tester quelques jeux. L’idée de base de Casino Lemonade est donc venue d’une envie : créer un site vierge de toute publicité, qui regrouperait tous les jeux de casino du marché pour les proposer gratuitement aux internautes sans limitation de temps et sans aucune condition.

Le site a été créé en 2006. Il a subit sa plus grosse évolution à la fin de l'année 2009 avec un nouveau design tendance « art déco » et des fonctionnalités innovantes.

« En quoi êtes-vous différents des classiques guides que l’on trouve partout sur internet ? »

On peut dire que Casino Lemonade est plutôt un site pour gamers orienté casino. A l'inverse des guides de casinos classiques, nous n’avons pas pour vocation de promouvoir les casinos en ligne mais à faire découvrir aux internautes la richesse des jeux disponibles sur le Net. En effet, ces derniers sont bien souvent relayés au second rang par les bonus et autres promotions que les casinos mettent en avant afin d’attirer les joueurs. Le site n’insiste donc pas sur ces offres et préfère redonner aux jeux la place centrale.

Casino Lemonade est à notre connaissance le seul guide au monde à ne contenir aucune publicité. D’habitude, ce genre de site foisonne de bannières et ressemble à des sapins de Noël. Dès la page d’accueil, d’interminables listes de casinos virtuels sont mises en avant dans la confusion la plus totale. A l’inverse, sur notre site, 90% de l’espace est occupé par des jeux. Il ne s’agit pas là d’un simple parti pris mais bien d‘une politique éditoriale forte.

Toutefois, le site propose une rubrique présentant certains casinos. Elle s’adresse à ceux qui désirent aller plus loin que la version démo des jeux proposés par notre site.

« Pour le moment, seuls les paris en ligne et le poker sont autorisés. Est-il envisageable que, dans quelques années, les casinos soient également libéralisés sur internet en France ? »

Avant de penser à la suite des évènements, il faut d’abord se rendre compte du changement qui est en train de se produire dans le monde des jeux en ligne en France. Le 8 juin dernier, l’ARJEL a octroyé 17 licences à 11 opérateurs qui vont proposer ou proposent déjà des paris sportifs et du poker. Comme vous le savez, les casinos en ligne ne sont pas concernés par cette loi. Ceci est malheureux car quelque chose d’inquiétant est entrain de se passer.  Tour à tour les leaders se retirent du marché français, n’acceptent plus de nouveaux joueurs et suppriment les comptes de leurs clients. Parmi les plus connus, on peut citer BetFair, William Hill, Casino Tropez ou encore Casino 770.

Ce qu’il faut comprendre est que ces casinos en ligne sont en fait de grosses entreprises qui existent depuis une dizaine d’années et qui génèrent un chiffre d’affaire important. Peu à peu elles sont en train de quitter la France de façon invisible et on perd leur savoir-faire. Cette transformation est regrettable car en 10 ans le secteur s’était professionnalisé et seules les entreprises les plus sérieuses subsistaient.

Il est donc discutable que la France ait régulé le marché des jeux en ligne en laissant de coté les casinos virtuels et dans une moindre mesure le bingo.

Nous ne pensons pas que ce soit la meilleure solution car des opérateurs moins scrupuleux viennent tenter leur chance en France, en essayant de récupérer une part du gâteau. On a d’ailleurs assisté à la même situation aux USA en 2006 lors du vote de la loi UIGEA (Unlawful Internet Gambling Enforcement Act).  De gros opérateurs ont cessé leur activité aux USA, remplacés par de plus petites sociétés.

A terme nous pensons qu’il faudra donc libéraliser les casinos en ligne pour éviter la multiplication des sites  à caractère frauduleux et surtout offrir un cadre légal et sécurisant aux joueurs qui vont, malgré tout, continuer à jouer sur des sites basés à l’étranger.

Il est vraisemblable que la libéralisation des casinos en ligne devrait être évoquée d’ici quelques mois par le gouvernement français. Il est alors légitime de se demander si cette seconde étape sera mal accueillie comme cela a été le cas pour les paris sportifs, hippiques et le poker où certains ont accusé le gouvernement d’avoir favorisé les « amis du Président ».

« Comment vous adaptez-vous à la régulation française des jeux d’argent en ligne ? »

Par rapport à cette situation, nous restons pour l’instant en retrait.  Nous n’avons jamais fait de publicité pour les casinos en ligne et les classements des salles de jeux sont réalisés par les internautes afin de garder notre indépendance. Par conséquence nous n’avons pas eu réellement à nous adapter ni même à renégocier des contrats.

Concernant les casinos qui se sont retirés du marché français, nous avons laissé leur fiche sur le site mais nous informons nos visiteurs qu’ils ne peuvent plus y jouer depuis la France. Prenons un exemple concret : si vous vous rendez sur la fiche du « Casino Tropez » avec une adresse IP française, un message vous avertira que vous ne pouvez pas jouer sur ce site et l'on vous proposera alors d’autres casinos acceptant les joueurs français.

J’insiste sur le fait qu'en ce qui nous concerne, les casinos virtuels sont un mal nécessaire. Nous sommes contraints d’en parler pour la simple raison que ce sont eux qui mettent à disposition les jeux que nous proposons à nos internautes. Bien que nous soyons amenés à travailler avec des casinos en ligne, nous évitons autant que ce peut les relations consanguines entre les membres de notre équipe et les leurs.

« Quelle serait selon vous la meilleure façon de réglementer le marché en France, dans l’intérêt des joueurs bien entendu ? »

La meilleure façon de réglementer le marché français aurait été de libéraliser les casinos en ligne, le bingo et les jeux d’adresse en même temps que le poker, les paris sportifs et hippiques. En d’autres mots, il aurait fallu créer une loi globale sur les jeux d’argent en ligne quelque soit leurs formes.

En effet, il existe deux types de jeux d’argent : ceux où l'on parie contre un établissement (un bookmaker, un casino, ce que l'on appelle dans le langage commun « La Banque ») et ceux où l'on parie contre un autre joueur, de pair à pair ou Peer-to-peer (P2P) en anglais. Dans cette dernière catégorie on trouve des jeux de hasard et des jeux d’adresse.

Si on prend l’exemple d’une machine à sous, on a un pur jeu de hasard où le joueur parie contre la banque. Au blackjack ou au vidéo poker le résultat dépend en très grande partie du hasard avec toutefois un rôle non négligeable lié à l’adresse du joueur. En revanche, le poker est un jeu où l’on joue contre d’autres joueurs et où la banque ne fait que gérer les échanges d’argent. Là aussi, il s’agit d’un jeu de hasard où l’adresse est prépondérante. Les paris sportifs font d’ailleurs beaucoup penser à la bourse. En effet, les « binaries bet » vous permettent de miser de l’argent sur deux issues possibles. Par exemple, « l’action de Total va fermer en hausse ». Si vous êtes d’accord avec la proposition vous l’achetez. L’adresse du parieur est primordiale mais une part d’inconnu subsiste.

Demain, les jeux d’argent mélangeront l’adresse et le pari contre des pairs. D’une partie d’échec, au billard en passant par les jeux vidéo, on pourra parier sur toutes sortes d’évènements. Imaginez des tournois de Counter Strike où chacun pourra parier sur la victoire de telle ou telle équipe. Pour aller plus loin, il sera vraisemblablement possible d’inventer des paris en fixant soi-même une côte. Par exemple, vous lancerez le pari que demain Claire Chazal portera une veste rose.

Malheureusement la loi actuelle ne s’intéresse pas à ces aspects et surtout n’anticipe pas l’avenir des jeux d’argent en ligne. Elle est trop restrictive !

« Quel a été l’impact de la crise économique sur la fréquentation des casinos en ligne ? Est-ce devenu primordial de jouer gratuitement pour tester un site avant de jouer en réel pour les internautes ? »

Il est difficile de mesurer l’impact réel de la crise sur leur fréquentation. Même si notre trafic a augmenté ces derniers mois, cela n’est pas significatif car nous ne sommes pas un casino en ligne et nous n’avons pas assez de données pour tirer des conclusions sur cette période économiquement difficile.

Je pense qu’il est important de pouvoir tester gratuitement les jeux avant d’y jouer en mode réel pour deux raisons principales :

  • premièrement, chaque jeu a ses spécificités, ses particularités et le meilleur moyen de savoir s’il vous plaît est de l’essayer. L’idéal est de pouvoir le tester sans limitation de durée ce qui est d’ailleurs le cas pour la plupart des jeux proposés sur Casino Lemonade. Nous pensons que cela est très important et apporte une réelle plus-value pour le joueur. Nous avons d’ailleurs voulu aller encore plus loin en offrant une fonctionnalité qui leur permet de noter, mettre en favoris et découvrir des jeux similaires à ceux qu’ils ont aimés ou pratiqués le plus souvent. En fonctions de leurs choix, un algorithme leur indiquera les endroits les plus sûrs pour jouer en mode réel.
  • deuxièmement, lorsqu’un joueur peut tester un jeu en mode démo et en mode réel cela lui donne la possibilité d’évaluer le sérieux d’un casino. C’est un bon moyen de savoir si l’algorithme est correctement développé car le jeu en mode démo doit fonctionner et réagir exactement comme le jeu en mode réel. En aucun cas, la version gratuite ne doit être plus attractive.

« Quelles sont les tendances du moment au niveau des jeux gratuits que vous proposez ? »

Actuellement, les développeurs misent de plus en plus sur les partenariats avec des studios hollywoodiens. Casino Lemonade accueille donc régulièrement des jeux d’exception comme Gladiator né d’un accord avec Universal et développé conjointement avec Dreamworks ainsi que The Incredible Hulk ou Iron Man, fruits de l’adaptation des comics Marvel.

On retrouve aussi des transpositions de jeux vidéo, de jeux de société et même de jeux télévisé. Parmi les plus connus on peut citer Tomb Raider et Hitman développés par Microgaming ou encore le Monopoly, le Cluedo, A prendre ou à laisser et la roue de la fortune développés par WagerWorks.

En mode réel ce genre de jeux proposent des jackpots importants qui peuvent atteindre plusieurs millions d’euros, ce qui était inimaginable il y a encore quelques années.