«L’ouverture à la concurrence limite l’offre aux seuls canaux licites»

«L’ouverture à la concurrence limite l’offre aux seuls canaux licites»

Par Stéphane MARTIN, ARPP, le 24/03/2013

Directeur Général de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, Stéphane Martin nous parle des recommandations préconisées entre matière de publicité sur les jeux d’argent en ligne.

KUZEO : « Bonjour Stéphane Martin. Pouvez-vous présenter le rôle de l’ARPP ? »

Stéphane Martin : L'ARPP, Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (anciennement Bureau de Vérification de la Publicité - BVP) est une association Loi 1901, regroupant tous les acteurs de la publicité (annonceurs, agences, supports et régies publicitaires).

Créée en 1935, l'ARPP a pour mission de protéger la confiance du consommateur et la créativité publicitaire en menant une action en faveur d’une « publicité loyale, véridique et saine » (article 1er de ses statuts) dans l’intérêt des professionnels, mais également des consommateurs, du public en général.

Notre Autorité, dont le travail est à dominante préventive, élabore des règles déontologiques (Recommandations et fiches de doctrine) et veille à leur bonne application. En ce sens, l'autorité délivre, à la demande de ses adhérents, des conseils avant diffusion, quel que soit le support utilisé (affichage, presse, télévision, cinéma, internet…). Pour les publicités audiovisuelles, outre le conseil, l'ARPP délivre systématiquement un Avis définitif avant leur diffusion.

L'ARPP peut également intervenir, pour des publicités diffusées, dans le cadre d’auto saisines ou encore en réalisant des bilans sur l’application des Recommandations ; ce qui est le cas pour ce Rapport d’études 2011/2012 « Publicité et Jeux d’argent ».

« Quelles sont les grands enseignements que l’on peut tirer du deuxième bilan concernant les publicités en faveur des jeux d’argent en ligne ? »

Le premier et non des moindres, est le très bon résultat qui plaide en faveur du système parfaitement responsable de la régulation professionnelle concertée. En effet, il ne faut pas omettre que la Recommandation ARPP Jeux d’argent a été adoptée près d’un an avant la publication de la loi du 12 mai 2010 encadrant l’activité des opérateurs du secteur. C’est donc sur ce premier point que je souhaite saluer tout le travail effectué par les professionnels, anticipant d’autant toutes les problématiques inhérentes au secteur des jeux.

Ce second bilan, portant sur plus d’un an, en est le parfait reflet puisque 99,8 % des publicités examinées, tous secteurs confondus, sont conformes aux règles prévues par la Recommandation Jeux d’argent. Au-delà, je note avec une grande satisfaction que les consommateurs ne semblent pas avoir été choqués ou heurtés par les publicités relatives aux jeux d’argent et ce, dans la mesure où, à ce jour, aucune plainte n’a été reçue par le Jury de Déontologie Publicitaire (ou JDP), instance associée de l’ARPP, sur le sujet.

« Finalement, la libéralisation de 2010 a été une bonne chose et les opérateurs ont respecté les règles, notamment concernant les mineurs et la lutte contre l’addiction ? »

Sans se prononcer sur l’aspect économique du secteur et la gestion des problématiques relatives à l’addiction qui ne relèvent pas du domaine d’expertise de l’ARPP, l’ouverture à la concurrence du secteur a effectivement été positive et a permis, notamment, par un encadrement strict et efficace de l’ARJEL, de limiter l’offre aux seuls canaux licites.

Pour ce qui concerne la protection des mineurs, hormis un seul exemple non-conforme à notre Recommandation et par ailleurs visé dans notre second bilan, la publicité est parfaitement conforme aux textes juridiques et déontologiques en vigueur. Aucune publicité à destination spécifique du public mineur n’a été relevée dans le cadre de ce second bilan.

« Quelles sont les recommandations les plus importantes que préconisent l’ARPP concernant les jeux d’argent ? »

Dans un premier temps, s’assurer que la publicité est bien conforme à la Recommandation Jeux d’argent. Cela paraît évident, mais les règles à respecter y sont nombreuses et une erreur peut vite se glisser dans le contenu d’une publicité. Une attention toute particulière devra être portée aux comportements des personnages du message, à leurs interactions avec les autres figurants, à leur âge… Sur ce dernier point, présenter un jeune champion de poker de dix-huit à peine suppose que ce dernier a entamé sa carrière bien avant l’âge légal requis et, surtout, en dehors des canaux licites !

D’autre part, il faut garder à l’esprit que de nombreuses règles déontologiques et juridiques ont vocation à s’appliquer en matière de publicité, qu’il s’agisse d’une communication portant sur les jeux d’argent ou d’un autre secteur. Il s’agit notamment des Recommandations ARPP Mentions et renvois - les mentions relatives à une offre doivent être parfaitement lisibles - de la Recommandation Comportement alimentaires, de la Recommandation Sécurité pour ce qui concerne les comportements dangereux, de la loi Évin, de la loi Toubon et, bien entendu, du décret du 8 juin 2010 imposant la mise en place d’un message de mise en garde dans le message. Bien d’autres points sont à prendre en considération et l’on ne pourrait en faire la liste ici mais dans le doute, une visite sur notre site www.arpp-pub.org permet de prendre connaissance de l’ensemble des règles applicables à la publicité. Pour nos adhérents, les juristes-conseil de l’ARPP sont à leur disposition pour les accompagner dans leurs projets de publicité et ce, quel que soit le stade de cette création, de l’embryon d’idée au projet finalisé.

« La publicité arrive également sur mobile, avec des publicités déguisées par SMS, faisant croire à un gain remporté à une loterie en ligne et incitant les gens à appeler un numéro surtaxé. N’est-on pas là dans le cas de publicité mensongère et intrusive ? »

Vous avez tout à fait raison. Pour autant, l’usage du mobile diffère peu de l’internet ou du publipostage dès lors que nous sommes confrontés à des publicités non-sollicitées. De manière générale, il est nécessaire de toujours remonter aux grands principes qui gouvernent le travail de l’ARPP au quotidien : véracité, loyauté et clarté des messages publicitaires. Si le contenu du message publicitaire fait défaut à ces grands principes, en omettant d’indiquer les modalités ou les conditions d’accès aux règles relatives au jeu, en n’indiquant pas le coût de l’appel ou si l’identification de l’annonceur ou du caractère publicitaire du message n’apparaît pas clairement, nous nous trouvons face à une publicité non conforme aux règles en vigueur.

Il s’agit là par ailleurs de toute la difficulté de l’ARPP, de veiller chaque jour, quel que soit le support, télévision, radio, presse, affichage, internet, que la publicité est bien conforme aux règles déontologiques et juridiques. Ce travail concerne par ailleurs tous les professionnels de la publicité, annonceurs, agences, diffuseurs, membres correspondant qui peuvent, s’ils sont adhérents de l’ARPP, consulter nos juristes pour un conseil avant diffusion du message publicitaire.

« Enfin que reste-il à améliorer ? »

Les 0,2 points de pourcentage restant (rires) ? Plus sérieusement, compte tenu des résultats probants de ce second bilan, je dirai que les professionnels doivent avant tout persévérer dans leurs efforts en maintenant ce haut niveau d’exigence. Au-delà, certains éléments de la loi du 12 mai 2010 pourraient par ailleurs être assouplis, notamment en ce qui concerne les contraintes inhérentes à la publicité sur l’internet, sans bouleverser la nécessaire préservation des intérêts des consommateurs.

L’objectif premier du texte législatif, au-delà de la nécessaire ouverture à la concurrence du secteur, a été de mieux protéger le consommateur face à une multitude d’offres, en imposant des contraintes techniques, juridiques et fiscales fortes qui vont bien au-delà de ce qui peut être imposé dans d’autres secteurs. Est-ce une solution ? En d’autres termes, s’il est raisonnable de souhaiter l’ouverture à la concurrence d’un secteur afin de le stimuler, ce qui, in fine, est toujours synonyme de croissance, il ne faut pas perdre de vue la nécessaire mise en œuvre de conditions propices et favorables à l’accès au marché pour les nouveaux entrants.

En matière de publicité, cet « esprit du texte » protecteur et contraignant a vu l’émergence de vraies difficultés pour les acteurs du secteur, difficultés par ailleurs soulignées par Jean-François VILOTTE, Président de l’ARJEL dans la rubrique « Regards croisés » de notre second bilan , « […] concernant notamment les communications commerciales pour lesquelles la diffusion du message n’est matériellement pas réalisable, tels que les placements de produits dans les programmes cinématographiques ou télévisuels, la  panneautique autour des terrains de sport ou imprimée sur la pelouse, ou encore certains liens commerciaux sur Internet ».